Chef sushi préparant un nigiri dans un restaurant, avec des clients en arrière-plan et une ambiance chaleureuse.

La première cheffe sushi étoilée au monde exerce désormais à Paris

Dans le pittoresque quartier de Montmartre à Paris se cache une pépite de la gastronomie japonaise qui défie les conventions. Sushi Shunei, premier restaurant de sushis dirigé par une femme étoilée au Guide MICHELIN, raconte l’histoire extraordinaire de Chizuko Kimura. Cette ancienne guide touristique japonaise, propulsée dans l’univers exigeant des sushis suite au décès de son mari chef, a transformé une promesse en un accomplissement remarquable. Son parcours inspirant démontre que la passion, la détermination et le travail acharné peuvent transcender toutes les barrières, qu’elles soient liées au genre, à l’âge ou à l’expérience.

Un parcours inspirant vers l’excellence culinaire

La passion pour les sushis naît à Paris

Dans le quartier pittoresque de Montmartre à Paris se trouve un écrin de gastronomie japonaise qui a fait l’histoire. Sushi Shunei est devenu le premier restaurant de sushis dirigé par une femme à recevoir une étoile au Guide MICHELIN. Ce lieu élégant, ouvert uniquement au dîner du mardi au samedi, peut accueillir seulement neuf convives chaque soir autour d’un magnifique comptoir en hinoki (cyprès japonais) de 7 mètres de long.

Chizuko Kimura, la cheffe de 55 ans derrière cette réussite, n’était pourtant pas destinée à cette carrière. Originaire d’Odawara au Japon, elle a travaillé comme guide touristique avant d’arriver à Paris en 2008. Rien ne la prédisposait à devenir cheffe, encore moins dans l’art exigeant des sushis. “Plus jeune, pas un seul instant je n’ai envisagé de vivre à Paris, encore moins de devenir cheffe ici. Cela m’aurait semblé tout simplement impossible,” confie-t-elle.

Le défi face à l’adversité et la perte

L’histoire de Sushi Shunei est aussi celle d’un amour et d’un défi face à la maladie. Tout a commencé avec Shunei Kimura, mari de Chizuko, un chef japonais passionné de culture française qui a ouvert le restaurant en 2021, avec un an de retard à cause de la pandémie. Malgré un cancer grave diagnostiqué en 2015, il a poursuivi son rêve d’ouvrir un restaurant à Paris tout en continuant ses séances de chimiothérapie.

Le succès fut rapide : neuf mois seulement après l’ouverture, Sushi Shunei décrochait sa première étoile au Guide MICHELIN. Hélas, ce bonheur fut de courte durée car Shunei décéda trois mois plus tard, à l’âge de 65 ans. Sur son lit de mort, il demanda à Chizuko de continuer l’aventure, alors qu’elle n’était qu’au début de son apprentissage dans l’art des sushis.

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La tradition des Edomae-zushi révélée

Qu’est-ce que l’Edomae-zushi ?

Sushi Shunei se spécialise dans les Edomae-zushi, une tradition culinaire née au début du XIXe siècle dans la baie de Tokyo (alors appelée Edo). Le chef Hanaya Yohei est considéré comme l’inventeur de cette technique. À cette époque, les eaux autour d’Edo regorgeaient de poissons et fruits de mer : congres, crevettes-mantes à la chair sucrée, poulpes et coquillages rares comme les akagai (palourdes sanglantes).

Cette méthode a révolutionné la préparation des sushis. Au lieu de simplement poser du poisson cru sur du riz vinaigré, Yohei a développé une technique utilisant du poisson poché ou mariné, délicatement placé sur une boulette allongée de riz vinaigré. D’abord vendeur ambulant, il a ensuite ouvert une échoppe où il préparait ces créations sous les yeux de ses clients, une tradition que Sushi Shunei perpétue aujourd’hui.

Les techniques uniques derrière la préparation des sushis

La particularité des Edomae-zushi réside dans l’utilisation d’une sauce spéciale appelée nikiri. Ce mélange de sauce soja et de mirin (saké doux) est porté à ébullition puis appliqué au pinceau sur les sushis. Cette sauce aux notes boisées et légèrement sucrées atténue le goût salé de la sauce soja traditionnelle, sans contenir de sucre à proprement parler.

Un aspect crucial de cette tradition est le timing de dégustation. Comme l’explique Chizuko : “Certains clients laissent les sushi longtemps devant eux avant de les déguster. Or, au bout de quelques dizaines de secondes, le riz se désolidarise et sa température n’est plus optimale – il ne doit jamais être froid.” Ces sushis de maître sont conçus pour être savourés immédiatement après leur préparation, au moment précis où tous les éléments sont en parfaite harmonie.

Chizuko Kimura : une cheffe déterminée et ambitieuse

Formation et apprentissage sous l’œil du maître

Lorsque Shunei est décédé, Chizuko n’était qu’au début de son apprentissage. Un défi immense l’attendait, car au Japon, devenir maître sushi demande généralement 20 ans de formation. Face à cette montagne à gravir, elle a fait preuve d’une détermination remarquable.

Pour accélérer son apprentissage, elle a recruté Takeshi Morooka, un maître sushi émérite anciennement du prestigieux Ginza Onodera à Paris. Avec son aide, Chizuko a pu “apprendre plus vite” et maîtriser les techniques essentielles. Elle a mis les bouchées doubles, travaillant sans relâche pour honorer la promesse faite à son mari de “travailler chaque jour pour rendre nos clients heureux.”

Honorer l’héritage de Shunei Kimura

Pour Chizuko, reprendre le restaurant était plus qu’une simple affaire professionnelle : c’était une manière de garder vivante la mémoire de son mari. “C’était aussi pour moi une manière de ne pas le voir disparaître complètement, presque comme si en continuant ce restaurant, une partie de lui resterait en vie,” confie-t-elle avec émotion.

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Ses efforts ont porté leurs fruits. Fin mars 2025, Sushi Shunei a retrouvé son étoile au Guide MICHELIN, cette fois sous la direction de Chizuko. “Quand on l’a appelée au micro, dans cette grande salle à Metz, le 31 mars dernier, pour lui remettre le prix, Chuziko Kimura a tremblé. Au moment où ils ont prononcé le nom du restaurant, ‘Sushi Shunei’, ça a été un choc,” raconte-t-elle, encore émue par cette reconnaissance.

Encourager la diversité dans la gastronomie

Inspirer d’autres femmes dans le domaine culinaire

Le parcours extraordinaire de Chizuko Kimura a attiré l’attention des médias japonais. Plusieurs chaînes de télévision, dont Asahi TV et Fuji TV, sont venues l’interviewer après la cérémonie du Guide MICHELIN. “Ils étaient très surpris qu’une femme cheffe sushi puisse être étoilée, mais probablement encore plus par le fait qu’une femme ayant été guide touristique pendant une grande partie de sa vie ait pris la suite de son mari dans un restaurant !”

Chizuko espère que son exemple inspirera d’autres femmes : “J’espère que cela inspirera de nombreuses femmes, qu’elles soient déjà cheffes sushi ou qu’elles osent à peine en rêver, à croire que tout est possible.” Elle mentionne notamment Mei Kougo du restaurant Sushi Meino à Tokyo, qu’elle considère comme “extrêmement talentueuse”.

L’impact de Sushi Shunei sur la scène gastronomique parisienne

Sushi Shunei représente aujourd’hui un phare d’excellence dans la gastronomie japonaise à Paris. Dans un monde culinaire traditionnellement dominé par les hommes, Chizuko brise les codes et prouve que le talent et la détermination transcendent les barrières de genre et d’âge.

La réussite de ce restaurant est d’autant plus remarquable qu’il maintient les standards les plus élevés de la tradition Edomae, tout en apportant une sensibilité unique. Même au Japon, aucun restaurant de sushis dirigé par une femme n’avait jusque-là reçu une étoile MICHELIN, faisant de Sushi Shunei une première mondiale dans ce domaine.

Conclusion

L’histoire de Chizuko Kimura est un puissant rappel que les parcours les plus extraordinaires naissent parfois des circonstances les plus inattendues. À 55 ans, cette ancienne guide touristique a relevé un défi que beaucoup auraient jugé impossible : devenir cheffe sushi étoilée sans formation préalable en cuisine.

Son message résonne comme un manifeste pour tous ceux qui font face à l’adversité : “Oui, il était probablement impensable qu’à la cinquantaine je commence une carrière de cheffe sushi, sans jamais avoir été en cuisine avant. Mais que ce soit pour Shunei ou pour moi, lorsque l’on est déterminé et que l’on travaille, tout est possible dans la vie.” À travers Sushi Shunei, c’est aussi l’histoire d’un amour et d’une promesse honorée qui continue de vivre, un plat de sushi à la fois.

Fan du Japon et de sa culture depuis longtemps, j’ai vécu toute mon enfance dans la banlieue d’Orléans avant de m’expatrier en Asie pendant 10 ans. Je suis de retour en France depuis 2 ans et partage mes recettes préférées, importées de mes voyages à travers différents pays : le Japon bien sûr mais aussi la Corée, la Chine et la Thaïlande.

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